Simple, Facile, Intuitif

« Le brevet A2 s’efface, l’assistant en soins infirmiers se prépare à prendre place : enjeux, défis et perspectives »

Introduction

La Belgique est en pleine mutation de sa formation infirmière. L’annonce est désormais officielle : le brevet A2 disparaîtra à l’horizon septembre 2026, remplacé par un diplôme d’assistant en soins infirmiers. Ce changement s’inscrit dans une réforme plus large de l’art infirmier, adoptée récemment, visant à clarifier les niveaux de compétences et à rapprocher la Belgique des normes européennes.
Pour les infirmier·ères, cela suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes : qui sera concerné ? Quels actes seront possibles ? Quel impact sur les salaires et responsabilités ? Quel avenir pour les A2 actuels ? Cet article explore les contours de la réforme, ses principaux enjeux, et ce qu’elle pourrait signifier pour la profession infirmière en Belgique.

1. Contexte et cadre législatif

La réforme est pilotée à l’échelle fédérale dans la révision de la loi relative à l’exercice des professions de soins de santé. La loi du 18 mai 2024 modifie des dispositions pour inclure la réforme de l’art infirmier, notamment la suppression progressive du brevet A2 et l’introduction du rôle d’assistant en soins infirmiers. Cette réforme supprime également les anciennes “Commissions techniques de l’art infirmier et professions paramédicales”.

Par ailleurs, un Arrêté Royal du 20 septembre 2023 (modifié en avril 2024) fixe la liste des prestations techniques que l’assistant en soins infirmiers pourra effectuer dans le cadre de ses compétences autorisées. Le SPF Santé publique indique que l’assistant en soins infirmiers doit suivre une formation d’au moins 3 ans (3 800 heures), mêlant enseignement théorique, clinique, et stages.

Cette évolution trouve ses fondements dans plusieurs dynamiques :

  • Le besoin de clarification des niveaux de qualification (aide-soignant, assistant, infirmier) dans une “échelle des soins”.
  • L’alignement aux normes européennes pour la reconnaissance des diplômes infirmiers à l’étranger, situation qui mettait le brevet A2 en défaut.
  • La volonté de réallocation des actes de soins (catégories B1, B2, C) pour clarifier quels actes peuvent être faits sans prescription, avec prescription ou sous délégation.

2. Ce que changera l’assistant en soins infirmiers (ASI) vs le brevet A2

  1. Compétences & actes autorisés :

    L’ASI sera habilité à poser certains actes infirmiers dans des contextes “moins complexes”, de façon autonome, sous certaines limites, et dans d’autres situations travailler en équipe avec l’infirmier responsable ou un médecin. Par exemple, un projet d’AR en discussion vise à permettre à l’ASI d’évaluer la complexité d’un patient, à condition que l’infirmier responsable supervise. On parle aussi du transfert de certains actes B2 vers B1, pour alléger la charge de l’infirmier.

    L’arrêté royal d’adaptation prévoit aussi l’ajout d’un acte technique : le prélèvement de sang transfusionnel parmi les compétences de l’ASI.

  2. Formation & statut :

    La formation de l’ASI sera d’un niveau 5, c’est-à-dire plus élevée que l’aide-soignant mais en dessous de l’infirmier (niveau 6). Le ministère en charge prévoit que le brevet A2 ne sera plus délivré à partir de la rentrée académique 2026, mais les étudiants inscrits au A2 avant cette date pourront terminer leur diplôme.

    Certaines sources indiquent par ailleurs que la formation pour un “assistant infirmier” pourrait passer à 4 ans, avec 4600 heures de cours et 2300 heures de stages, pour répondre à l’harmonisation européenne.

  3. Salaires, responsabilités & reconnaissance :

    L’un des points sensibles de la réforme est la différence salariale et statutaire entre le futur ASI et l’infirmier responsable. L’UGIB (Union Générale des Infirmiers de Belgique) a dénoncé qu’un professionnel formé en 3 800 heures ne peut avoir les mêmes prérogatives qu’un infirmier formé en 4 600 heures (4 ans de bachelier) sans mettre la sécurité des soins en question. Des associations francophones ont d’ailleurs porté un recours devant le Conseil d’État contre l’AR de septembre 2023 définissant les actes des assistants.

    Certaines critiques soulignent que la création de ce rôle pourrait “brader” le métier infirmier, diluer les responsabilités, ou créer de la confusion auprès du public (entre “assistant” et “infirmier”).

3. Enjeux & défis pour les infirmiers·ères à domicile

Pour les infirmier·ères à domicile, cette réforme pose des questions concrètes :

  • Délégation & responsabilité : dans des tournées isolées, pourra-t-on déléguer des actes à un ASI qu’on supervise à distance ?
  • Coordination d’équipe : redéfinir les rôles entre l’ASI et l’infirmier responsable sera essentiel pour éviter les conflits ou doublons.
  • Formation continue : les ASI devront être formés et encadrés pour garantir la qualité des soins dans les situations reçues.
  • Transition pour les A2 actuels : ceux formés en A2 pourraient avoir des passerelles vers le nouveau cursus ou des équivalences. Par exemple, RTL rapporte que l’ASI sera mis en place à la rentrée 2026-2027, avec des passerelles vers le baccalauréat.
  • Acceptation sociale et confiance des patients : le public doit comprendre le rôle distinct, ses limites et ses complémentarités avec l’infirmier responsable.

4. Opinions, résistances & réactions

  • L’UGIB a introduit un recours devant la Cour constitutionnelle pour contester la loi de 28 juin 2023 modifiant l’art infirmier, notamment sur les compétences attribuables aux assistants.
  • En Flandre, le passage du modèle A2 à un rôle équivalent a déjà été amorcé, ce qui donne une “expérience pilote” belge.
  • Certains syndicats, comme l’ACN, s’opposent à ce qu’un rôle “intermédiaire” ait des compétences proches des infirmiers sans la formation équivalente.
  • D’autres acteurs voient cette réforme comme une opportunité de doser mieux les rôles, de réduire les tâches non infirmières (logistique, transport, administratif) et de libérer du temps infirmier pour les gestes à haute valeur ajoutée.

5. Conclusion & perspectives

La réforme qui supprime le brevet A2 au profit de l’assistant en soins infirmiers constitue un tournant majeur dans la profession infirmière en Belgique. Elle vise à clarifier les niveaux de compétence, à moderniser le système et à s’aligner sur les standards européens.

Pourtant, ses effets dépendront largement de sa mise en œuvre : la définition précise des actes, la formation requise, les passerelles pour les diplômés A2, la reconnaissance salariale, et l’acceptation sociale.

Pour les infirmier·ères à domicile, cette évolution peut être une source d’adaptation, mais aussi d’opportunité pour redéfinir les pratiques, déléguer ce qui peut l’être, et se concentrer sur le cœur du soin. Le futur rôle de l’ASI ne devra pas fragiliser la qualité, mais renforcer la chaîne du soin.

Sources et références utiles :
  1. Guide Social — « Infirmier : le brevet A2 disparaît, place à l’assistant en soins infirmiers » Guide Social
  2. SPF Santé publique — descriptif de l’assistant en soins infirmiers, conditions et actes autorisés Santé Belgique
  3. Cambier Avocats — explication de la réforme de l’art infirmier et du rôle de l’ASI Cambier Avocats
  4. Infirmières.be — comparaison de formation et contestations de la réforme infirmieres.be
  5. Association ACN / UGIB — recours et positions critiques sur les AR relatifs à l’ASI infirmieres.be
  6. FNIB — rapport sur les propositions de réforme de la formation infirmière fnib.be
  7. La CSC — campagne “Réforme des professions de soins” décrivant l’ASI/BV CSC Syndicat deBelgique